Selon le dernier Baromètre Ugict-CGT / SECAFI (2020), 75 % des cadres considèrent que les entreprises ne protègent pas des durées excessives de travail et ne garantissent pas le droit à la déconnexion. Malgré la loi sur le droit à la déconnexion adoptée en 2017 (pour les structures de plus de 50 salariés), les entreprises peinent à instaurer des mesures concrètes pour limiter la surconnexion au travail.
Quel rôle l’employeur joue-t-il ? Et comment peut-il mieux faire appliquer ce droit ? Éclairage dans cet article.
Accueil » qvt » Bien-être & RPS » Droit à la déconnexion : 3 actions pour (vraiment) le faire appliquer
Selon le dernier Baromètre Ugict-CGT / SECAFI (2020), 75 % des cadres considèrent que les entreprises ne protègent pas des durées excessives de travail et ne garantissent pas le droit à la déconnexion. Malgré la loi sur le droit à la déconnexion adoptée en 2017 (pour les structures de plus de 50 salariés), les entreprises peinent à instaurer des mesures concrètes pour limiter la surconnexion au travail.
Quel rôle l’employeur joue-t-il ? Et comment peut-il mieux faire appliquer ce droit ? Éclairage dans cet article.
La déconnexion pour gagner en performance et en qualité de vie au travail
Avec la digitalisation des outils de travail, et en particulier l’amélioration de leur accessibilité, les salariés sont de plus en plus « connectés » en dehors des horaires classiques de bureau, gommant peu à peu la frontière entre la vie professionnelle et personnelle. Selon une étude réalisée par Éléas sur l’impact du numérique pour les salariés, 47% d’entre eux se connectent à leurs outils de travail le soir après le travail, 45% le week-end et 35% pendant les congés.
Pourtant, la déconnexion est essentielle pour que les collaborateurs soient véritablement performants sur leur temps de travail. Selon Ivan Illich (Loi d’Illich), « au-delà d’un certain seuil, l’efficacité humaine décroît, voire devient négative ». En somme, moins les salariés se déconnectent (ou prennent de pauses) et moins ils seront productifs.
Tout comme le surinvestissement ou le surprésentéisme au travail, la surconnexion provoque des effets négatifs pour la santé des collaborateurs : stress important, migraines, troubles du sommeil, accoutumance, fatigue, etc. Des maux physiques qui, à long terme, entraînent des difficultés de concentration et une baisse d’efficacité chez les salariés.
Le droit à la déconnexion vise alors à encadrer les pratiques des salariés pour limiter les effets néfastes des usages du numérique au travail et pour conserver un bon équilibre entre leur vie privée et professionnelle.
Le rôle clé de l’employeur pour limiter la surconnexion des salariés
L’employeur a la responsabilité de s’assurer que le droit des travailleurs à bénéficier d’un temps de repos suffisant soit respecté au sein de son entreprise. Et le droit à la déconnexion s’intègre parfaitement dans cette optique.
Pourtant, rares sont les organisations qui mettent en œuvre des actions concrètes pour encourager les collaborateurs à se déconnecter :
Source : étude Éléas
Cela sonne comme un truisme, mais la mise en place de mesures va de pair avec la notion d’exemplarité pour avoir un véritable impact. L’employeur peut mettre en place toutes les actions nécessaires, si la direction et le top management ne les respectent pas, leur bonne application ne fonctionnera pas (exemple classique : le mail envoyé à 20h qui incite le destinataire à répondre hors des heures de travail).
3 pistes pour faire appliquer le droit à la déconnexion
1. Sensibiliser les salariés sur les risques de l’hyperconnectivité
Une première étape à la portée de tous concerne la réalisation de campagnes de sensibilisation pour l’ensemble des salariés en vue de les informer sur les risques et les enjeux liés à l’utilisation des outils numériques.
Certaines entreprises proposent également des formations sur les bonnes pratiques à adopter pour limiter les risques d’un usage excessif, adressées principalement aux managers. D’abord pour qu’ils puissent les partager au sein de leurs propres équipes, mais aussi pour les adopter dans leur façon de travailler au quotidien (n’oublions pas qu’ils sont les premiers concernés par l’hyperconnexion).
Des prestataires de formation proposent différents types de format allant de la formation d’une journée ou demie-journée en présentiel à 2h de sensibilisation en distanciel. Il est également possible de créer ses propres contenus en interne avec des outils comme 360Learning.
Bonne pratique: la prévention des risques sera d’autant plus pertinente si vous identifiez en amont les problématiques propres à votre entreprise en sondant vos collaborateurs sur leurs usages des outils professionnels pendant et hors du temps de travail.
2. Miser sur des actions concrètes pour encourager la déconnexion
Une enquête réalisée par Welcome to the Jungle (2021) souligne que pour 67% des salariés, les difficultés de déconnexion émanent de leur propre comportement. Les habitudes de travail, la pression ou encore la norme sociale freinent la déconnexion “naturelle”. Si bien qu’il est parfois nécessaire de s’appuyer sur des mesures, plus ou moins coercitives, pour inciter à la déconnexion.
Voici quelques exemples d’initiatives déjà appliquées dans certaines entreprises :
- Rakuten a mis en place une demi-journée par mois sans e-mails ;
- La Poste propose de programmer l’envoi de ses mails pendant les temps de connexion ou d’inclure la mention suivante en fin de mail “Si vous recevez ce mail en dehors de vos heures de travail ou pendant vos congés, vous n’avez pas à y répondre immédiatement, sauf en cas d’urgence exceptionnelle.” ;
- Orange et l’APEC incitent leurs collaborateurs à se déconnecter des outils de communication digitaux pendant 2h chaque jour ;
- Volkswagen a décidé de bloquer l’accès aux serveurs les soirs et les week-end à une partie de ses salariés ;
- Michelin s’appuie sur des outils pour faire remonter des alertes automatiques en cas de connexion trop fréquentes en dehors du temps de travail ;
- Daimler a créé l’opération “mail on holiday” qui consiste à effacer automatiquement les mails reçus pendant les congés, les expéditeurs étant redirigés vers les personnes adéquates.
Attention tout de même, ces actions peuvent être mal perçues par les collaborateurs (perte d’autonomie par exemple) si elles ne sont pas accompagnées d’une bonne communication et d’un brin de pédagogie.
Astuce : des outils, comme Slack, permettent de paramétrer des plages horaires de disponibilité et de déconnexion, sans oublier les solutions de suivi des temps, comme Timmi Temps, qui offrent également la possibilité de paramétrer les temps de repos obligatoires quotidiens et hebdomadaires selon la politique de l’entreprise.
3. S’appuyer sur une charte de déconnexion pour encadrer les pratiques
Si la création d’une charte n’a rien de novateur, elle permet tout de même de regrouper et de formaliser dans un document unique toutes les informations et bonnes pratiques à adopter. Qu’elle soit obligatoire ou non*, la charte souligne la volonté de l’entreprise de faire bon usage des outils informatiques dans le respect des temps de repos et de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
Afin d’impliquer au maximum les collaborateurs dans cette démarche, la création de la charte peut faire l’objet d’ateliers avec quelques volontaires pour définir son contenu de manière collaborative. Nous préconisons également d’inclure le CSE dans la rédaction.
Pour que les salariés prennent réellement connaissance de ce document et se l’approprient, nous recommandons de prévoir une présentation de vive voix (réunion ou webinaire) à l’issue de laquelle les salariés pourront poser toutes leurs questions, et de partager la charte à chaque onboarding.
* A savoir : la prévention des risques sera d’autant plus pertinente si vous identifiez en amont les problématiques propres à votre entreprise en sondant vos collaborateurs sur leurs usages des outils professionnels pendant et hors du temps de travail.
Nouveaux enjeux relatifs au temps de travail : faites le point
Samuel Durand, auteur et conférencier spécialisé sur le futur du travail, revient sur le temps au travail et notre rapport à celui-ci dans un dossier dédié.