Semaine de 4 jours : des lendemains qui déchantent

Administration

La crise de la COVID a remis le concept de la semaine de 4 jours sur le devant de la scène. Des gouvernements veulent en faire une arme anti-crise pour relancer l’économie (Nouvelle Zélande) ou réduire le chômage (Espagne). Des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs souhaitent la mettre en place pour gagner en efficacité et répondre aux attentes de leurs salariés en mal d’équilibre vie professionnelle et vie personnelle.

Ces promesses sont séduisantes, mais comment se traduisent-elles sur le terrain ?

Temps de lecture : 7 minutes

La crise de la COVID a remis le concept de la semaine de 4 jours sur le devant de la scène. Des gouvernements veulent en faire une arme anti-crise pour relancer l’économie (Nouvelle Zélande) ou réduire le chômage (Espagne). Des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs souhaitent la mettre en place pour gagner en efficacité et répondre aux attentes de leurs salariés en mal d’équilibre vie professionnelle et vie personnelle.

Ces promesses sont séduisantes, mais comment se traduisent-elles sur le terrain ?

Sommaire de l'article

Les objectifs de la semaine de 4 jours

Dans les faits, la forme que prend la semaine de 4 jours dépend de son objectif :

Objectif n°1 : partager le travail pour lutter contre le chômage

L’entreprise réduit le temps hebdomadaire de travail de chaque salarié dans le but de recruter. Ici, deux cas de figure :

  1. la rémunération des salariés baisse proportionnellement (c’est le principe du travail à temps partiel),
  2. le montant des salaires ne change pas, ce qui implique une baisse du bénéfice de l’entreprise, une augmentation des tarifs des services ou produits commercialisés ou la nécessité d’accroître rapidement le nombre de clients… Cette option semble peu réaliste sur des marchés ultra-concurrentiels ou en l’absence d’exonérations de charges pour l’employeur. 

Objectif n°2 : gagner en capacité de production

La société Yprema dit quant à elle gagner 1 mois de production annuelle avec la semaine de 4 jours. Ici, pas de baisse du temps de travail, l’entreprise rationalise la production. Les salariés réalisent 35 heures sur 4 jours et choisissent leur journée « off » de sorte à se relayer pour que l’entreprise reste ouverte 5 jours. Les journées de travail sont mathématiquement plus longues et le matériel de production tourne en moyenne 1h30 de plus chaque jour. 

Ce « temps plein aménagé » n’est toutefois pas compatible avec tous les métiers (services, support,etc.). Et tous les salariés ne peuvent pas finir plus tard ou commencer plus tôt (contraintes familiales, transports, etc). Pour preuve, 20% des effectifs Yprema restent à un rythme traditionnel de 5 jours par semaine, tout comme ⅓ des collaborateurs de Welcome to The Jungle.  

Objectif n°3 : attirer et fidéliser les talents

Qui n’est pas séduit à l’idée d’avoir un jour supplémentaire par semaine à consacrer à sa famille ou à ses hobbies ? La semaine de 4 jours est un possible levier pour la marque employeur, à condition que la charge de travail soit ajustée au nouveau rythme de travail (28h, 32h, 35h) et que l’employeur prenne des mesures pour limiter les effets de bord.

Les entreprises qui concentrent 35h sur 4 jours observent des dérives qu’elles n’avaient pas anticipé. Certains salariés réduisent par exemple leur temps de repos et de pause, entraînant défaut de concentration et dysfonctionnements au sein des équipes. D’autres travaillent sur les journées « off » pour arriver à tout faire et augmentent ainsi les risques psychosociaux. Rappelons que les heures supplémentaires doivent être payées ou récupérées, avec majoration.

La semaine de 4 jours ne fait toutefois pas l’unanimité chez les salariés : 10% des effectifs de Welcome to The Jungle préféreraient davantage de congés payés. Tandis que les DRH opteraient plutôt pour la mise en place d’horaires plus flexibles (70%), du télétravail (66%) ou des congés sabbatiques (59%)*.

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Les limites de la semaine de 4 jours

  • Pour être économiquement viable, la semaine de 4 jours doit (selon sa forme) s’accompagner d’une baisse de la rémunération des salariés, d’une exonération de charges sociales ou d’une hausse des prix des services ou produits,
  • Passer à la semaine de 4 jours n’est pas toujours synonyme de réduction des temps de travail (condenser 35h sur 4 jours n’équivaut pas à réduire le temps de travail de 20%),
  • Concentrer ou réduire les temps de travail n’est pas possible pour tous les métiers ou salariés,
  • L’employeur doit revoir la charge à la baisse s’il réduit le volume de travail et prendre des mesures pour préserver la santé de ses salariés dans le cadre d’un temps plein aménagé,
  • Les salariés et DRH sont davantage séduits par la flexibilité des horaires, le télétravail ou l’accès à plus de congés.

Les entreprises qui ont testé la semaine de 4 jours

Malgré ces limites, certaines entreprises ont passé le cap de la semaine de 4 jours et ne le regrettent pas. C’est le cas du groupe LDCL qui, depuis le 25 janvier 2021, ne travaillent plus que 4 jours sur 5. Laurent de la Clergerie, le président fondateur, est d’ailleurs convaincu qu’avec ce mode d’organisation, les collaborateurs sont dans de meilleures conditions et donc plus productifs. En participant à équilibrer la vie personnelle et professionnelle, ce jour de repos supplémentaire fait écho au droit à la déconnexion.

Chez Yprema, ce passage aux 4 jours hebdomadaires dure depuis 23 ans.  L’entreprise industrielle reste ainsi ouverte toute la semaine car le jour off est tournant. Afin d’optimiser les absences, les salariés ont été notamment formés à différents postes. Résultat : les collaborateurs ont gagné en compétences en plus de profiter d’un jour de repos supplémentaire.

Cependant, peu d’entreprises pérennisent la pratique de la semaine de 4 jours passé la phase d’expérimentation. Fleury Michon, Treehouse ou encore Télérama ont préféré abandonner devant la complexité organisationnelle de la réorganisation des temps de travail. 

L’exercice n’est pas plus simple du côté des PME ou startup. Jérémy Clédat, fondateur de Welcome to The Jungle, expliquait dans le podcast Travail (en cours)  avoir rectifié à plusieurs reprises le cadre de la semaine de 4 jours au sein de son organisation. Pour lui, la mesure prendra même plusieurs années avant d’être réellement ancrée. 

FAQ sur la mise en place de la semaine de 4 jours

Une convention collective ou un accord collectif peut en effet définir une durée de travail inférieure à la durée légale dans votre entreprise, en fixant par exemple la durée hebdomadaire de travail à 32 heures. Dans ce cas, sont considérés à temps partiel les salariés dont la durée du travail est inférieure à la durée fixée dans votre entreprise, ici 32 heures.

Les collaborateurs travaillant 32 heures sont considérés comme travaillant à temps plein. Dans le cadre de la mise en place de la semaine de 4 jours, si vous décidez de maintenir le temps de travail hebdomadaire (ils effectueront 32 heures sur 4 jours), cela ne modifie pas la durée hebdomadaire de travail applicable à votre entreprise et vos salariés sont toujours considérés à temps plein. Seuls les collaborateurs travaillant moins de 32 heures par semaine seront à temps partiel.

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