Courir un marathon, lire Soljenitsyne, jouer du piano, faire du jardinage… nous prenons régulièrement de nouvelles résolutions que nous ne tenons pas. L’excuse du « j’aimerais bien mais je n’ai pas le temps » n’est jamais très loin et nous permet au passage d’apaiser notre conscience.
C’est pour lutter contre ce fatalisme que j’ai lu The Productivity Project de Chris Bailey.
L’idée de départ était de trouver une méthode qui m’apprendrait à faire ça et à m’y tenir :
Un agenda bien rempli, une vie organisée avec des codes couleurs, des plages horaires, des rendez-vous périodiques… Une bonne gestion du temps, c’est le secret des personnes qui ont une vie riche et trépidante, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas du tout l’avis de Chris Baley.
La gestion du temps, un mythe
L’idée que défend Chris Bailey est que la productivité est la combinaison de trois facteurs : le temps, l’énergie et l’attention. Dans cette équation, le temps n’est pas le facteur le plus important et, surtout, c’est celui sur lequel nous avons le moins de contrôle.
Peu importe votre situation géographique, maritale ou sociale, vous bénéficiez de 24 heures par jour, 365 jours par an à consommer, ni plus ni moins. Vous ne pouvez ni en avoir plus, ni l’étirer, ni le ralentir. Les méthodes de gestion du temps ne sont donc pas la solution, contrairement aux deux éléments sur lesquels nous pouvons agir : l’énergie et l’attention.
L’énergie, ou l’étude de nos meilleurs créneaux biologiques
Identifiez les moments de la journée et de la semaine où vous êtes le plus en forme (Bailey appelle cela « Biological Prime Time ou BPT). Pour cela astreignez vous, pendant une dizaine de jours à les identifier.
Si votre cycle se compose d’un temps énergique de 8h à 13h, puis d’un coup de barre après déjeuner et de nouveau un regain d’énergie en fin de journée, alors votre BPT est le matin.
Pour autant cela ne signifie pas que vous devez enchaîner les tâches le matin et vous reposer le reste de la journée. Cela veut dire que vous serez plus efficace et donc plus productif en répartissant vos projets selon votre niveau d’énergie disponible.
Dans le cycle présenté ci-dessus, il est préférable de privilégier le matin pour effectuer des tâches difficiles à fort impact (high impact values tasks) et garder l’après-midi pour les tâches dites de “zone de confort”.
Cependant, l’énergie seule ne suffit pas. Tout ne se passe pas toujours comme prévu. Une minute de distraction peut suffire à anéantir tous les efforts planifiés (comme celui de rédiger cet article). C’est ici qu’entre en jeu le 3ème facteur de l’équation de Bailey : l’attention.
Le muscle de l’attention
Bailey, comme bien d’autres avant lui, distingue deux grandes parties dans le fonctionnement du cerveau : le cortex préfrontal et le système limbique.
Le cortex préfrontal nous permet d’étudier, de créer, de trouver des solutions à des problèmes complexes, etc. Le système limbique, quant à lui, gère nos émotions. C’est lui qui nous fait réagir spontanément face à l’imprévu, qui déclenche des peurs parfois irrationnelles ou nous fait bondir de joie à l’annonce d’une bonne nouvelle. La difficulté est qu’il s’active sans qu’on le lui demande.
Théoriquement, pour être plus productif, il suffit d’utiliser davantage son cortex préfrontal et de maîtriser son système limbique, ou comme le propose Bailey, de renforcer son muscle de l’attention (attention muscle).
En théorie seulement, car activer son cortex préfrontal n’est pas chose aisée. Le muscle de l’attention n’a pas de réalité biologique. Il n’existe pas de muscle dans le cerveau que l’on peut renforcer comme des abdominaux ou des biceps.
Il est toutefois possible d’entraîner son muscle de l’attention. Voici quelques exercices proposés par Bailey :
- Méditer : Mindfullness, sophrologie, yoga, Tai Chi il existe aujourd’hui plus de méthodes de méditation que de religions.
- Laissez votre esprit errer (shower moments) : Les shower moments font référence à ces instants où une idée géniale vous traverse l’esprit alors que vous êtes en train de faire totalement autre chose. Bailey recommande de favoriser ces shower moments en essayant de ne pas les polluer par des distractions comme écouter de la musique ou utiliser son smartphone.
- Se méfier des pirates de l’attention : C’est l’exercice le plus pénible mais aussi le plus efficace et d’ailleurs si vous ne deviez retenir qu’une chose de cette chronique je vous conseille celle-ci : réguler les pirates de l’attention (attention hijackers). Réseaux sociaux, vidéos, shopping en ligne, jeux, séries… les moyens de distraction sont à portée de main (littéralement), sur-sollicitent notre système limbique. Ils nous rendent dépendants, provoquant le même effet addictif que le sucre.
Six mois après avoir lu The Productivity Project, je ne pratique toujours pas la méditation tous les jours, je continue de (trop) regarder mon fil Twitter et je n’ai pas lu Soljenitsyne. J’ai tout de même l’impression d’être sur le bon chemin.
J’ai omis plein d’autres concepts amusants de ce livre comme se faire une worrying list (une liste de ses tracasseries existentielles) pour ne s’y consacrer que quelques minutes par jour et ne pas y penser le reste du temps. Ou écrire à son futur soi, se raconter ses passions et ses peurs du moment pour les relire 3 mois, 5 ans, 10 ans plus tard (il y a même un site qui permet de faire ça). J’en oublie, et tant mieux. Prenez une nouvelle résolution : lisez ce livre.
Sources : BAILEY Chris, The Productivity Project. Crow Business, 2016