Début 2014, lors des entretiens annuels, j’ai constaté que discuter sur la base d’objectifs fixés 12 mois plus tôt était une perte de temps. La plupart avaient été atteints dans les premiers mois de l’année, étaient devenus obsolètes suite à un changement de cap, ou encore étaient simplement trop vagues pour être réalisables.
J’ai donc milité pour passer à une gestion trimestrielle des objectifs. Ce système est en place chez Lucca depuis maintenant 4 ans. Il permet de coordonner les actions d’une centaine de collaborateurs.
Voici comment nous procédons et les 4 principaux enseignements que nous avons retirés de notre expérience.
La méthode que nous appliquons
Chez Lucca, les objectifs de toutes les équipes (y compris les fonctions RH et comptables) sont fixés la première semaine de chaque trimestre.
Le comité de direction se réunit 2 semaines avant le début du trimestre pour préciser les enjeux des mois à venir. Chaque responsable de département soumet alors une liste d’objectifs d’équipe prioritaires pour le trimestre. Cela assure l’alignement des objectifs stratégiques et tactiques.
Le 1er jour du trimestre, ces objectifs sont proposés par le responsable aux membres de son équipe, qui en évaluent la faisabilité. Chaque département dresse une liste définitive d’environ 4 objectifs, (soit une soixante au total pour tout Lucca). Cette liste est rendue publique à la fin de la première semaine du trimestre. Chaque Luccasien peut ainsi anticiper la réalisation ou le report de certains objectifs.
À la moitié du trimestre, les responsables de département mettent à jour le pourcentage d’avancement de chaque objectif selon un code couleur : en vert, l’objectif est toujours réalisable sur le trimestre, en rouge, c’est peu probable.
À la fin du trimestre ces pourcentages sont de nouveau mis à jour et chaque équipe réalise une rétrospective des réalisations du trimestre écoulé.
Les conseils
Nous avons beaucoup appris durant ces 4 ans d’expérience, voici donc nos conseils pour réussir un tel changement. Ils nécessiteront des efforts non négligeables pour mettre en place et maintenir une procédure de ce type à l’échelle d’une entreprise, mais nous vous garantissons que vous ne les fournirez pas pour rien.
Choisir une cadence trimestrielle pour toute l’entreprise
Tous les départements n’ont pas nécessairement besoin d’un rythme trimestriel. Pour autant, la première semaine de chaque période, consacrée à la définition des objectifs communs, permet collectivement de répondre à la question : travaillons-nous sur les chantiers importants ?
Effet bonus : pour 3 trimestres sur 4, le bilan/fixation des objectifs est décorrélé des augmentations salariales. Cela permet une discussion collaborateur/manager moins « politique » sur les performances du trimestre précédent et sur les missions du suivant.
Soigner la rétrospective
La rétrospective est consacrée à l’identification de ce qui n’a pas fonctionné lors du trimestre précédent. Une bonne pratique consiste à cibler le problème principal de l’équipe et à définir une solution applicable immédiatement. Elle est alors ajoutée automatiquement comme objectif du trimestre suivant. Ceci permet un processus d’amélioration continue très efficace.
Concrètement, l’équipe se réunit pendant une heure et nous inscrivons sur des post-its les succès et les échecs du trimestre de façon individuelle. Puis, nous les mettons en commun en expliquant pour quelles raisons nous estimons que c’est un échec ou une réussite. Cela permet d’avoir le ressenti de toute l’équipe, d’ouvrir le dialogue sur des points de blocage et d’acter ensemble la façon de traiter les sujets importants. Tout le monde est impliqué et devient acteur de la progression de son équipe.
Un objectif atteint est un objectif réalisé à 100%
Un objectif atteint est un objectif réalisé à 100%. Cette affirmation ressemble à un truisme, mais il existe une méthode de gestion des objectifs dite OKR (« Objectives and Key Results », popularisée par Google) qui suggère de fixer des objectifs systématiquement supérieurs à ce qu’il est raisonnablement possible d’atteindre. Ainsi, dans cette logique, un objectif atteint à environ 80%, c’est bien.
D’après notre expérience, c’est une erreur. Cela rend flou (« environ » 80%) le résultat attendu et n’incite pas à rédiger clairement les objectifs. Il est plus efficace de fixer des objectifs dont le niveau attendu en fin de trimestre est à 100%. Mieux, rédigez des objectifs avec une description de résultat obtenu à 75%, 100% et à 125%.
Par exemple :
Titre : Tester le marché Allemand
- Description à 75% = Lancer un site Web en allemand avec formulaire de contact
- Description à 100% = Campagne de pub Google redirigeant 1000 demandes de démo
- Description à 125% = Publier un livre blanc générant 300 demandes de démo
Essayez de décrire vos propres objectifs avec le template 75-100-125, vous en découvrirez rapidement les vertus.
Nommer un responsable du processus et bien le choisir
L’exercice de fixation et suivi des objectifs n’est pas un processus totalement naturel. Pour le faire vivre, il est indispensable d’en confier la responsabilité à une personne. C’est un rôle difficile car il est transverse. Le succès du processus ne pouvant reposer sur de la coercition, le responsable devra faire preuve de patience, de force de conviction et de rigueur.
C’est, de loin, le principal facteur de succès de ce genre d’initiative.